Thursday, September 15, 2011

Pour ou contre la peine de mort ?/Nooreeda Khodabocus et Najeeb Fokeerbux/Le Mauricien 15.09.2011

Pour ou contre la peine de mort ?

La question de la peine de mort a toujours été un sujet de vifs débats. C’est une question qui est toujours d’actualité. Doit-on l’appliquer ou non? Le débat divise et il y a des arguments forts des deux côtés. Même si les opinions divergent il nous semble intéressant d’analyser la question.
Considérons dans un premier temps les arguments en faveur de la peine capitale.
La peine de mort constitue un châtiment, un moyen de rendre justice. Certains crimes sont en effet tels qu’ils poussent à s’interroger sur l’humanité du criminel. Quel humain pourrait violer un enfant de deux ans, battre à mort son propre enfant, violer et tuer une personne âgée? De ce fait, on pourrait considérer qu’il n’est pas logique d’invoquer les droits de l’homme, d’autant plus que les criminels n’ont souvent pas conscience d’avoir commis un crime.
La peine de mort est aussi un moyen de dissuasion. On pourrait objecter que la peine de mort ne fait pas baisser la criminalité, mais d’un autre côté, elle ne la fait pas augmenter. Toujours est-il que la peine de mort peut constituer un argument dissuasif fort.
La peine de mort permet aussi de prévenir contre la récidive. Combien de criminels recommencent cinq, dix, vingt fois leurs ignominies avant d’être repris par la justice? Il existe certes le risque d’une erreur judiciaire, mais une erreur judiciaire ne vaut-elle pas mieux que plusieurs victimes innocentes qui n’auront jamais la chance de passer devant un tribunal? On pourrait aussi se demander s’il existe une différence entre le condamné à perpétuité par erreur et le condamné à mort par erreur car la peine à perpétuité est tout aussi inhumaine.
D’un point de vue économique, il est indéniable que l’exécution d’un condamné coûte énormément moins qu’une peine à perpétuité. Est-il juste que le contribuable qui prive ses enfants doive payer des impôts qui serviront en partie à nourrir, loger et blanchir des criminels? Est-il juste qu’un père de famille qui se prive pour nourrir sa famille paye des impôts pour donner poulet, poisson, bœuf, légumes, fruits et yaourt à une personne ayant fait un si grand tort à la société?
Si ces arguments nous semblent suffire pour justifier l’introduction de la peine de mort, nous ne pouvons considérer la question indépendamment de la réalité locale ni sans considérer la question d’un point de vue humain.
Si certains crimes poussent à considérer le criminel comme n’étant pas humain, il n’en demeure pas moins qu’il en reste un. De ce fait, nous pensons que chaque individu a droit à la vie et à une seconde chance. Appliquer la peine de mort est synonyme de violer les droits fondamentaux de l’homme. Certes, on peut dire que le condamné a privé quelqu’un de la vie. Mais ce n’est pas pour autant que nous devons appliquer une méthode d’âge de pierre pour venger la victime. Appliquer la peine de mort, ne nous ramène-t-elle pas au même niveau que le criminel que l’on juge?
De plus, si la peine de mort peut constituer un argument dissuasif dans certaines circonstances, on peut se demander si c’est toujours le cas. Est-ce que la peine de mort empêche le crime? Est-ce que la criminalité est vraiment basse comparativement dans les pays ou états où la peine de mort est en vigueur? La criminalité ne serait-elle pas plutôt le reflet d’une société malade? A qui la faute si la pauvreté se répand comme la peste, si les valeurs morales disparaissent? A qui la faute si la société produit un sentiment de frustration intense, un mal-être, un sentiment d’inégalité et d’injustice?
Qu’en est-il de quelqu’un qui n’a pas les moyens pour avoir un excellent avocat ? Et que fait-on des préjugés sur la race, la communauté ou l’appartenance ethnique des individus qui risqueront d’influencer les jugements? Nous pouvons nous interroger dans une société ou la lutte de classe est toujours d’actualité. Quelle garantie de l’efficacité de la peine de mort pouvons-nous donner dans une société où l’argent, la race, l’appartenance ethnique pèsent toujours dans la balance ?
Alors que faire devant ce dilemme ?
Dépendant de la nature du crime et de l’âge de l’accusé, on pourrait mettre en place des moyens de réhabilitation. Beaucoup de moyens existent déjà, mais le taux de criminalité et de récidive semble indiquer un manquement. Si certains prisonniers bénéficient d’une formation, ne serait-elle pas plus efficace couplée d’un suivi psychologique? Ainsi à sa sortie de prison, document prouvant sa bonne foi en main, il peut essayer de se racheter envers la société. Il pourrait alors bénéficier de structures mises en place par l’État, avec l’aide des ONG, d’un suivi pour garantir sa réinsertion. Il est aussi important de l’aider à affronter le regard des autres. Même si la population est informée, et que beaucoup sont prêts à donner une seconde chance, le regard des autres est souvent réprobateur.
Nous avons aussi la question du poids économique des prisonniers. Une des solutions possibles serait les travaux d’intérêt généraux par exemple. On pourrait les faire travailler sur les chantiers de l’État, ce qui les ferait payer leur dette envers la société tout en contribuant à l’État. Il suffirait d’investir dans des bracelets électroniques au lieu de dépenser l’argent de l’État dans des acquisitions dont l’efficacité demeure douteuse. Le prisonnier ayant une certaine formation pourrait aussi mettre ses connaissances au service du pays, ou organiser des sessions de formation avec ses codétenus. On devrait aussi pouvoir avoir différentes structures pour petits et grands délits.
Finalement, la situation n’est que le reflet de notre société et nous sommes tout aussi à blâmer que les institutions, les politiques, le système éducatif, l’économie. Nous faisons face à une perte de valeurs morales. Nous sommes devenus indifférents aux souffrances des autres et contribuons ainsi indirectement à leur aliénation. Nous jugeons les ex-détenus et portons sur eux un regard réprobateur au lieu de les aider. Combien sont-ils, ces hommes et femmes sortis de prison, à qui il n’aura suffi qu’une main tendue pour s’en sortir ?
Acceptons nos erreurs. Nous sommes tous aussi coupables des crimes effectués chaque jour. Nous sommes tous humains et l’erreur est humaine. Ne cherchons pas la voix facile qui pourrait nous coûter cher. Trouvons des moyens justes, en adéquation avec la morale et la société pour combattre la criminalité à Maurice. La société, c’est notre image. Préservons-la, perfectionnons-la!

0 comments:

Post a Comment