LE DÉBAT SE POURSUIT — L’avortement : cessons d’être hypocrites et égoïstes !
FOKEERBUX N.A, NOOREEDA KHODABOCUS
L’avortement est un sujet très délicat. Nous avons ceux qui sont pour et ceux qui sont contre, avec des arguments forts des deux côtés. Or, ce débat devrait amener à considérer, peu importe sa position, certains cas, notamment les cas de viols, d’inceste, de grossesses précoces ou encore lorsque la santé de la future maman est en péril, mais aussi les cas de grossesses non désirées. Bien qu’idéalement la question d’avorter ne doive intéresser que les personnes concernées, c’est impératif que nous considérions la question par rapport aux réalités de notre société.
 Quand avorter : Grossesse accidentelle, viol, grossesse précoce, danger pour la vie de la mère porteuse
 Nous entendons certes l’indignation des détracteurs de la légalisation  de l’avortement. Mais cessons pour une fois d’être hypocrites et  égoïstes. Nous ne savons pas ce qui peut pousser une femme à vouloir  avorter. Nous ne pouvons imaginer comment doit se sentir cette femme.  Nous ne pouvons imaginer la douleur d’une femme qui a été violée et qui  doit ensuite porter l’enfant de celui qui l’a détruite, de le voir  grandir, au risque de ressembler au « papa ». Nous ne pouvons connaître  les raisons qui poussent un couple à décider que la venue d’un enfant  est indésirable. Nous ne pouvons imaginer ce que ressent une personne se  retrouvant enceinte accidentellement.
 Un enfant est certes innocent. Un enfant, c’est la vie. Cependant,  penser que la légalisation de l’avortement dans certains cas précis est  souhaitable ne fait pas forcément de nous des monstres. Est-il juste  qu’à cause de la loi, une femme accouche d’un enfant qu’elle ne désire  pas ? N’est-ce pas encore plus cruel pour cet enfant qui devra vivre  avec ce poids ? Et les cas où l’enfant naît dans une famille ne pouvant  s’occuper convenablement de lui ? Car si nous ne nous voilons pas la  face, ils sont nombreux les cas d’enfants « accidentels » ou non désirés  au départ. Malgré toute l’indignation que pourraient ressentir  certains, il existe des mères pour dire que l’enfant n’était pas désiré  mais qu’il n’y avait pas d’autre alternative.
 Cependant, nous ne pouvons nier les réalités de notre société. Nous  vivons, sur une petite île certes, mais au 21e siècle. Si nous y  réfléchissons de manière réaliste et objective, elles sont peu  nombreuses les jeunes filles en âge de tomber enceinte qui ne savent pas  comment cela arrive. De plus, dans les cas où il y aurait le risque  d’être enceinte, les méthodes existent qui permettent d’empêcher la  grossesse sans avoir recours à l’avortement, telle la pilule du  lendemain.
 Légalisation, mais dans certains cas
 Voilà pourquoi nous proposons de légaliser l’avortement, mais dans des  cas spécifiques. Parmi les critères, nous pensons qu’il faut surtout  considérer l’aspect scientifique qui précise de manière claire à quel  moment le fœtus est considéré comme un être vivant. Nous devrions éviter  de tomber dans le cliché qu’un caillot de sang est un être vivant à  part entière. Vivant certes, mais autonome, non, puisque jusqu’à un  certain stade de développement, ce fœtus n’est rien d’autre que des  cellules parmi d’autres faisant partie de la femme.
 Selon les données de la recherche scientifique à ce jour, ce n’est que  douze semaines après la fécondation que nous pouvons qualifier le fœtus  d’être à part entière. Après douze semaines, le fœtus est suffisamment  développé. Les artères et les vaisseaux coronaires sont présents et le  sang circule à travers tout le petit être. Les cordes vocales sont  formées, et l’enfant peut même de temps en temps pleurer  silencieusement. Le cerveau est formé et l’enfant peut ressentir la  douleur. Avant ce délai, le fœtus ne peut pas encore ressentir. C’est  pourquoi, passé ce délai, se faire avorter devient un acte inhumain,  synonyme de crime.
 De plus, l’IVG (Interruption Volontaire de Grossesse) ne comporte que  des risques minimes. Elle est comparable à la plupart des interventions  chirurgicales courantes. Le seul hic qu’il pourrait y avoir, c’est la  phase de regret par laquelle pourrait passer la femme après avoir  avorté. Le fait d’avorter durant les douze premières semaines en  minimise les risques. Un suivi psychologique est toutefois recommandé  après un avortement.
 Un corps médico-légal pour l’avortement
 Nous sommes entièrement d’accord avec la position du Procureur Général  sur les cas spécifiques où l’on peut pratiquer l’avortement. Cependant,  nous pointons du doigt la manière préconisée pour octroyer le droit  d’avorter. Nous ne pensons pas que la meilleure décision serait celle  prise par un comité composé du Secrétaire Permanent (P.S) au Ministère  de la Santé et de deux médecins.
 Nous proposons à la place qu’il y ait un corps médico-légal pour  l’avortement composé de deux médecins spécialistes en la matière, dont  l'un assurerait la présidence du comité et ratifierait la décision du  comité, un homme de loi, un psychologue, et deux membres appartenant à  deux ONG (Organisation Non Gouvernementale) différentes comme la MFPWA  (Mauritius Family Planning Welfare Association) et Amnesty  International, et que quatre des cinq membres soient en faveur pour que  le droit d’avorter soit accordé.
 Le droit à la vie ne doit pas devenir une condamnation pour un être  innocent, et même deux êtres innocents si nous pensons aux grossesses  précoces ou aux victimes de viol. Beaucoup seront ceux qui taperont du  poing pour s'élever contre l'avortement. A ceux-là nous disons :  Serez-vous prêts à adopter l'enfant abandonné parce que né d'une  grossesse non désirée ? Serez-vous prêts à reconstruire la vie de  l'adolescente violée qui doit en plus vivre avec cet enfant et voir tous  ses rêves s'envoler ? Serez-vous prêts à nourrir cet enfant qui  naîtrait dans une famille ne pouvant subvenir à ses besoins ?
 Ne traînons plus et ayons le courage de dépasser les préjugés et  prendre la bonne décision parce que, en attendant, nombreuses sont les  vies qui se brisent !
 
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